Monthly nr 0

November 2004


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Ballooning


La Coupe Gordon Bennett 2004

 

 

La Coupe Gordon Bennett est l'un des événements les plus prestigieux de l'aviation.

C'est sans aucun doute le challenge ultime et difficile qui met à rude épreuve les pilotes

et les équipages. Espérant stimuler le développement technique dans ce domaine,

James Gordon Bennett a souhaité, dans un premier temps, ouvrir cette compétition

aux machines volantes de tous types.


Le but de la compétition est assez simple : voler la plus longue distance possible

en ballon à gaz (hélium ou hydrogène) à partir du point de décollage dans

une zone de compétition donnée reprenant grosso modo l'Europe.

Cette compétition internationale a été créée en 1906 par James Gordon Bennett, francophile, passionné d'automobile et d'aviation. Lors de la première édition,   16 ballons ont décollé des jardins des Tuileries à Paris. 200.000 spectateurs s'étaient rassemblés pour l'occasion !


Cet événement annuel aussi prestigieux que mythique, doté d'une coupe, a traversé les âges et a toujours lieu de nos jours. La coupe est organisée sous l'égide de la Fédération Aéronautique Internationale et est réservée aux ballons libres. L'histoire de la Gordon Bennett reflète l'aventure, le courage, l'esprit sportif et chevaleresque des équipages qui ont parfois risqué leur vie.


Cette année, la Coupe qui avait été remportée 3 fois de suite par les Frères Leys (grands spécialistes incontestés de l’épreuve), était organisée à Thionville près de Metz. 17 équipages du monde entier s’étaient donnés rendez-vous pour batailler ferme dans un esprit de camaraderie. Nous avions la chance de représenter avec Philippe et Ronny les couleurs nationales. Une longue préparation technique est nécessaire afin de posséder un aérostat léger et performant qui est à même de rester entre 24 et 72 heures en l’air, sans aucune forme de ravitaillement. Un appareillage de haute technologie est emportée dans les nacelles en osier : GPS, tracker, transpondeur, radio VHF, panneau solaire, téléphone satellite, matériel de survie, canot de sauvetage, ordinateur portable… , le tout nous allégeant de quelques €uro… La période de la course est choisie en fonction de la pleine lune afin de permettre aux équipages de voler de nuit sans trop de difficulté.


La situation météorologique difficile n’a pas permis de décoller le 28 août comme initialement prévu. Le vol fut reporté au lendemain. Cette année les ballons furent gonflés à l’aide du coûteux hélium. Les équipages préfèrent en général voler à l’hydrogène, qui possède une force ascensionnelle plus importante. Toute la journée, les équipiers s’affèrent autour de ces grosses bulles, déplaçant les sacs des sables, préparant leur nacelle. Les pilotes essayent de gagner quelques heures de sommeil. La journée passe bien vite dans la bonne humeur.


L’ordre de départ a été tiré au sort, comme le veut la tradition lors d’un des briefings organisés de main de maître par le team allemand de Markus Haggeney. Notre équipe partira en première position, ce n’est pas la meilleure puisque les concurrents ont la possibilité de faire leur course en fonction du déroulement du vol des premiers ballons. L’ambiance est à la bonne humeur, les blagues fusent. Philippe Buron Pilâtre nous lance un pari, une bière au perdant par kilomètre qui séparera nos 2 équipages, pari tenu.

Cette année nous volons sur « Le Petit Prince », ce ballon mythique fabriqué par les frères Leys. Les frères Leys sont mes instructeurs et ont la gentillesse de nous prêter ce magnifique ballon construit spécialement pour l’épreuve. Chaque ballon décolle du podium spécialement aménagé. L’hymne national de chaque équipage est entonné, c’est plein d’émotions, quelques larmes sont versées.

En 35 minutes, tous les équipages sont en l’air. Une grosse dépression orageuse se trouve sur notre nord ouest et se déplace vers l’est. Notre stratégie élaborée avec notre prévisionniste David Dehenauw et notre team ( JF Leys-Ch. Houver & Walter Simonson) : monter rapidement afin de rejoindre au plus vite la Finlande et se poser avant que la dépression et son mauvais temps ne règnent sur la région. Nous montons directement à 3000 m, ce qui nous fait consommer pas mal de lest. Un premier contact par téléphone satellite nous confirme que notre vol correspond au profil de la stratégie. On devrait voler un peu plus vite mais on fera avec... La nuit tombe, le froid se fait sentir. La charge de travail est importante à bord et nous n’avons pas une minute à nous. Nous nous engageons sur l’Allemagne et notamment sur l’approche de Frankfort. Comme nous sommes le premier ballon, nous ouvrons la route pour la meute qui nous suit. Le passage dans Frankfort est assez impressionnant. Les avions passent sans arrêt tout autour de nous, la radio crépite. Bob gère la navigation de main de maître et le transpondeur et le ticas (anti-collision) révèlent toute leur utilité. Le contrôle aérien tente de contacter les autres ballons mais sans trop de succès. Nous tentons de faire le relais pour le contrôle, mais nous n’obtenons pas beaucoup plus de résultat. Nous nous concentrons sur notre vol.

A tour de rôle de rôle nous prenons quelques heures de sommeil et nous nous hydratons. La nacelle est tellement petite que Bob n’arrive pas à passer ses jambes dans l’ouverture prévue à ce sujet. Il est obligé de dormir avec les jambes passant au-dessus de la nacelle. L’oxymètre emmené se révèle aussi d’une grande utilité. On se rend compte que notre taux de saturation d’O² a chuté, il est temps de passer sous oxygène. Sitôt dit, sitôt fait, le détendeur est branché et quelques minutes plus tard nous prenons de grandes bouffées d’oxygène. Tout paraît plus facile

La dépression orageuse se détériore de plus en plus et David estime qu’il n’est pas sécurisant de s’y engager. . Le centre de contrôle nous informe qu’il envisage la possibilité de changer stratégie.

Le temps passe rapidement, la décision du Centre de contrôle est prise et est sans appel : nous ne nous engagerons pas sur la Baltique, les trajectoires ont changé dans le dernier « run » et nous toucherions rapidement une zone de très mauvais temps. On pense que personne ne s’engagera dans la dépression, la météo y étant trop exécrable. La nouvelle stratégie consiste à partir le plus possible vers l’est en nous éloignant rapidement de Thionville. Pour ce faire il nous faut monter haut. On ballaste rapidement, en coordination avec le contrôle aérien, nous montons jusqu’à 400 m et nous nous mettons en permanence sous oxygène. Les rayons du soleil chauffe la bulle gaz et le ballon n’a aucune difficulté à monter et maintenir son altitude. L’ambiance à bord est agréable, nous en profitons pour prendre un petit déjeuner sommaire. Christophe nous informe que nous risquons de ne plus avoir contact téléphone avec le sol une fois passé la frontière polonaise. En effet, la Pologne, n’a pas signé d’accord avec la société iridium. Cela nous paraît surréel.


Nous recevons un bon briefing de notre centre de contrôle sur la marche à suivre pendant les prochaines heures. Le mauvais temps sévit aussi dans le sud est de la Pologne avec des orages violents, il va falloir surfer entre les 2 zones de mauvais temps. Quelques minutes plus tard, nous n’avons de plus contact téléphonique, nous sommes au-dessus de la Pologne. Nous essayons de gagner de la vitesse, nous demandons à monter de plus en plus. Le contrôle est très efficace et collaborant. Finalement on se retrouve à 6124 m pendant plus de 4 h30. Il fait superbe, les étendues polonaises gigantesques. Nous sommes relax et profitons de ces moments de bonheur absolu. Le GPS fait quelques pointes à 38 kts. Tout est OK. Le ballon possède un potentiel formidable, à cette altitude, nous avons encore 100 kg de ballast. Nous savons que nous allons atterrir dans la région de Gdansk. Nous affinons notre navigation.


Deux orages en formation sont clairement visibles de chaque côté du ballon. La distance reste respectable. Nous n’entendons pas de tonnerre. Nous commençons à songer aux préparatifs pour l’atterrissage. Plus d’une heure sera nécessaire pour tout préparer. A cette altitude, malgré l’alimentation en oxygène, tout est plus difficile. Il est difficile d’estimer à cette altitude, quand il faut descendre exactement afin d’atterir dans les environs de Gdansk. De plus la carte n’est pas très engageante pour un atterrissage sur la côte. De souvenir, Gdansk est une ville industrielle avec un grand chantier naval.

La descente lente est entamée. Une fois la base des cumulus passée, les choses se précipitent et le vol devient rapidement instable. Comme nos instructeurs nous l’ont appris, ce sera un grand champ avec une prise de risque minimum. De grands lacs et forêts se suivent dans cette superbe région, le sable est rapidement consommé, il nous faut nous poser au plus vite. Un grand champ est en vue, c’est assez instable, Bob lâche le Guide rope, le sol se rapproche rapidement, 2 sacs sont largués, le panneau est ouvert en grand, en 2 bonds le ballon est arrêté et la nacelle renversée. Tout OK. Ce fut rapide, les 18 kts étaient bien présents. Le centre de contrôle est immédiatement informé. A notre grand étonnement on apprend que 6 équipages ont tout de même courageusement décidé de survoler la Baltique malgré les averses orageuses. Ce n’est pas notre tasse de thé et nous sommes contents de notre décision. Nous avons parcouru 967 km en 20h39.


Quelques locaux parlant l’anglais nous aident à ranger rapidement la matériel sur un tracteur amené à la hâte. Tout le matos est mis à l’abri dans un chalet proche. 45 minutes après l’atterrissage, l’orage est là. Nous sommes heureux d’être au sol en un morceau. Nous inquiétons pour les équipages encore en vol.

Finalement, nous obtenons une 6ème place. Un grand bravo au magicien des vents, Luc Trullemans, qui a guidé l’équipage Abbruzzo-Rymer vers la victoire avec un vol de 1802 kilomètres. C’est aussi la première fois qu’une femme fait partie d’un équipage gagnant.


Merci à toute notre équipe, aux organisateurs, et à Becker Avionic system. Cette Gordon Bennett restera certainement dans les mémoires de tous, encore merci aux organisateurs.

L’équipage Bob Berben - Benoît Siméons

Info: Benoît Siméons

website: www.europeanballoon.be

E-mail: [email protected]

 

(Texte et photos: © B. Siméons)